25/01/2010

Ecce homo

Vendredi soir, FOG sur France 2. Dans « Vous aurez le dernier mot », débat sur l’origine du monde et de l’Homme.Charles_Darwin_01.jpg  

Quelques affirmations plates comme pierres lancées sur la surface d’un étang.

 

Petits ricochets d’arguties avant d’être absorbées par les propos convenus des différentes chapelles philosophico-scientifiques présentes.  Pour définir l’Homme, on y évoque pêle-mêle la bipédie, la spiritualité, la conscience de soi, le récit… Sans qu’aucun raisonnement, aucune preuve, aucun fait ne viennent à leur secours. .

Pourtant la question est passionnante : qu’est-ce qui fait l’Homme ? A quel moment peut-on considérer que l’une des branches d’hominidés devient l’Homme ? Quelques réponses auraient pu être données.

 

 

HOMO SAPIENS OU…

Pour comprendre, il faut remonter dans le passé à partir du présent. Premier élément de réponse : l’Homme n’est pas une espèce, mais plusieurs. Dans nos connaissances actuelles, au moins deux : homo neanderthalensis (disparu vers -40 000 ans) et homo sapiens (apparu vers -200 000 ans ?) ; peut-être même trois (homo floresiensis disparu entre -18 000 et +1700 ?).

 

D’après les recherches sur l’ADN, elles ne seraient pas interfécondes. Mais elles ont un trait commun : la fabrication, la conservation et la transmission d’outils. Ce qui suppose une capacité à se projeter dans le temps et dans l’espace. L’observation, dans la nature, de certains de nos cousins chimpanzés, a montré qu’ils en sont capables également. Mais à toute petite échelle.

Ce qui caractérise l ’Homme, c’est l’hypertrophie de cette capacité.

 

HOMO COGITATIONIS *?

Cette hypertélie** est le fruit de la sélection naturelle, semblable à l’hypertrophie de la trompe chez l’éléphant actuel ou celle des canines chez le défunt tigre à dents de sabre. C’est incontestablement cette capacité de générer des projets qui caractérise l’Homme et sa pensée ; elle l’a conduit à réaliser, avec ses outils, ses rêves les plus fous

De cette évidence, il n’en fut pas question entre Yves Coppens, Jean-François Kahn, Jean-Luc Marion, Pascal Picq et Tariq Ramadan. Est-ce la peur de voir ressurgir un vieux fantôme -le finalisme d’Aristote- par le biais de son avatar cosmétique -le « dessein intelligent » des créationnistes- ?   

 

Pourtant, la parade était simple : c’est parce qu’une partie de la pensée humaine est finaliste par nature, que la nature est souvent finalisée par la pensée humaine. C’est le ressort de la «pensée magique», toujours tapie dans l’inconscient collectif et toujours contredite par les faits : dans tous les domaines de la science et des techniques, seul le principe de causalité efficiente est appliqué et donne des résultats contrôlables.

Sauf dans un domaine : celui du comportement des animaux dotés d’un télencéphale...  Et en particulier, celui du comportement des humains.

Gainsbourg_Verneuil2.jpg

Samedi après-midi. Vu le très beau film de Joann Sfar "Gainsbourg, vie héroïque". Ensuite, passage par la rue de Verneuil.

 Emotions. Palabres dans ma tête. Serge Gainsbourg m’a accompagné comme il a accompagné beaucoup d’entre nous. J’ai pensé d’abord à une influence. Non, c’était l’inverse : nous avions pressenti dans son aristocratique et immense détresse, la vanité raide de nos existences. Joann Sfar a raison d’invoquer les tragédies antiques. Avec un destin comme tant d’autres, que seule l’œuvre magnifie, Serge Gainsbourg est universel. Ecce homo. J’y reviendrais


 * En latin projet se dit cogitatio. On pourrait traduire le fameux « Ego cogito, ergo sum » de Descartes par « Je fais des projets, donc j’existe »  /  ** Du grec telos, « finalité »

06/11/2009

Du marketing préhistorique !

Dans son éditorial de Libération.fr Laurent Joffrin prête aux sondages d'opinion une puissance qu'ils n'ont pas en pensant qu'ils participent au "marketing" du gouvernement.
C'est faire beaucoup d'honneur à une pratique qui n'a pas évoluée depuis les années 30. A moins de considérer le marketing comme une activité cosmétique destinée à tromper l'opinion publique*.
Les sondages seraient utiles s'ils étaient scientifiques. Ils permettraient aux sociologues, politologues et autres ethnologues de fonder leurs concepts, leurs analyses et leurs diagnostics.
Or, ils ne font "qu'élever les brèves de comptoir au rang de discipline scientifique".
Les sondages ne nous apprennent rien sur l'essentiel : le dispositif de jugement qui préside à la constitution des opinions publiques.
Les sondages décrivent la montagne mais sont muets sur sa formation ou les roches qui la constituent. Par contre les sondeurs sont diserts : nouveaux cartomanciens, ils interprètent "ce que les gens (leur) disent" et se font largement payer pour cela.
L'opinion publique est un jugement public. Ce jugement est finalisé : il se fonde sur une doxa prédéterminée qui permet aux citoyens, à travers leur image perçue du Président, par exemple, d'évaluer ce qu'il leur offre pour leur permettre de réaliser leur(s) projet(s) de vie.
Les sondages ne débouchent pas sur une modélisation des opinions publiques. Ils ne constituent pas ces "modèles réduits" dont parle Pierre Giacometti. Désolé Laurent Joffrin, mais c'est du marketing préhistorique ! Pour faire avancer nos connaissances, les instituts d'études devront adopter un modèle phénoménologique -telle que l'Analyse motifonctionnelle par ex.- et intégrer enfin, comme le disait Simone de Beauvoir que c'est "le désir qui crée le désirable, le projet qui pose la fin".

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* Soyons juste : à voir certains spots TV, il est clair que certains annonceurs ont tenté d'adopter cette vision. Avec les résultats que l'on sait...

Révolution managériale ou fin de l’intelligence économique ?

Si rien ne change dans la gouvernance des grandes entreprises françaises, notre combat pour le développement de l’intelligence économique aura été vain…

Depuis plus d’une dizaine d’années, l’attitude du management des grandes entreprises vis à vis de ses salariés, rappelle la position des entreprises vis à vis des consommateurs avant la révolution marketing : il s’agit de faire adhérer les collaborateurs à des "valeurs" déterminées d’en haut comme il s’agissait autrefois, d’imposer aux consommateurs des produits pensés par les techniciens de l’usine.
En mettant le client au cœur de l’entreprise, la révolution marketing a remis les stratégies de conquête des marchés à l’endroit... bien que la tentation autoritaire d’imposer des produits déconnectés des facteurs de préférences des clientèles revienne régulièrement !

Une démobilisation des employés peut déboucher sur une démoralisation mortifère. Les suicides à France Telecom, PSA ou Renault ne sont que la partie émergée d’un phénomène beaucoup plus général qui touche en particulier les cadres.
Cette démobilisation compromet gravement le développement de toutes les fonctions intellectuelles de l’entreprise, notamment de la R&D et, plus encore, de l’intelligence économique. En effet, l’IE "exige de toutes les parties prenantes (…) une démarche proactive et une vision prospective" ; elle nécessite de la part des employés un engagement que les recettes de management autoritaire contrarient totalement.
C’est pourquoi nous appelons à une révolution managériale qui consisterait à mettre les collaborateurs au centre des préoccupations de l’entreprise au même titre que le client.

Suite sur le blog de l'Intelligence économique- Les Echos.fr :
http://blogs.lesechos.fr/article.php?id_article=3180