17/03/2010

Pourquoi se soumet-on à l'animatrice du Jeu de la Mort ?

« Nous sommes si présompteux que nous voudrions être connu de toute la terre, et même des gens qui viendront quand nous ne serons plus, et nous sommes si vains que l’estime de cinq ou six personnes qui nous environnent nous amuse et nous contente.» Pascal, Pensées

Le JEU DE LA MORT va faire l’objet de nombreux commentaires.

Vont-ils nous donner une explication valable des phénomènes de «soumission à l’autorité» ?

Pour avoir moi-même étudié en 1994, l’expérience de Stanley Milgram, je suis convaincu que non.

En effet, que nous disent, en résumé, les psycho-sociologues professionnels (comme Jean-Léon Beauvois) ou amateurs (comme Christophe Nick) ? «... nos actes ne sont pas le résultat de notre libre arbitre ; ils sont le fruit du contexte.»

Sans exonérer de son rôle la situation proposée aux candidats du jeu télévisé, je démontre -dans "le Grand combat"- et chaque année, dans mes cours à la Sorbonne Nouvelle- que les vrais causes sont ailleurs...

Et que la vision behaviouriste (stimulus-réponse), basée sur une réaction au «pouvoir» ou à «l’emprise» de la télévision ne résulte pas d’une analyse scientifique d’un comportement humain plus complexe que ne le disent les autorités scholastiques de la psychologie sociale*...

 * Voir l'extrait du "Grand Combat" consacré à l'expérience de Stanley Milgram >

 

25/01/2010

Ecce homo

Vendredi soir, FOG sur France 2. Dans « Vous aurez le dernier mot », débat sur l’origine du monde et de l’Homme.Charles_Darwin_01.jpg  

Quelques affirmations plates comme pierres lancées sur la surface d’un étang.

 

Petits ricochets d’arguties avant d’être absorbées par les propos convenus des différentes chapelles philosophico-scientifiques présentes.  Pour définir l’Homme, on y évoque pêle-mêle la bipédie, la spiritualité, la conscience de soi, le récit… Sans qu’aucun raisonnement, aucune preuve, aucun fait ne viennent à leur secours. .

Pourtant la question est passionnante : qu’est-ce qui fait l’Homme ? A quel moment peut-on considérer que l’une des branches d’hominidés devient l’Homme ? Quelques réponses auraient pu être données.

 

 

HOMO SAPIENS OU…

Pour comprendre, il faut remonter dans le passé à partir du présent. Premier élément de réponse : l’Homme n’est pas une espèce, mais plusieurs. Dans nos connaissances actuelles, au moins deux : homo neanderthalensis (disparu vers -40 000 ans) et homo sapiens (apparu vers -200 000 ans ?) ; peut-être même trois (homo floresiensis disparu entre -18 000 et +1700 ?).

 

D’après les recherches sur l’ADN, elles ne seraient pas interfécondes. Mais elles ont un trait commun : la fabrication, la conservation et la transmission d’outils. Ce qui suppose une capacité à se projeter dans le temps et dans l’espace. L’observation, dans la nature, de certains de nos cousins chimpanzés, a montré qu’ils en sont capables également. Mais à toute petite échelle.

Ce qui caractérise l ’Homme, c’est l’hypertrophie de cette capacité.

 

HOMO COGITATIONIS *?

Cette hypertélie** est le fruit de la sélection naturelle, semblable à l’hypertrophie de la trompe chez l’éléphant actuel ou celle des canines chez le défunt tigre à dents de sabre. C’est incontestablement cette capacité de générer des projets qui caractérise l’Homme et sa pensée ; elle l’a conduit à réaliser, avec ses outils, ses rêves les plus fous

De cette évidence, il n’en fut pas question entre Yves Coppens, Jean-François Kahn, Jean-Luc Marion, Pascal Picq et Tariq Ramadan. Est-ce la peur de voir ressurgir un vieux fantôme -le finalisme d’Aristote- par le biais de son avatar cosmétique -le « dessein intelligent » des créationnistes- ?   

 

Pourtant, la parade était simple : c’est parce qu’une partie de la pensée humaine est finaliste par nature, que la nature est souvent finalisée par la pensée humaine. C’est le ressort de la «pensée magique», toujours tapie dans l’inconscient collectif et toujours contredite par les faits : dans tous les domaines de la science et des techniques, seul le principe de causalité efficiente est appliqué et donne des résultats contrôlables.

Sauf dans un domaine : celui du comportement des animaux dotés d’un télencéphale...  Et en particulier, celui du comportement des humains.

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Samedi après-midi. Vu le très beau film de Joann Sfar "Gainsbourg, vie héroïque". Ensuite, passage par la rue de Verneuil.

 Emotions. Palabres dans ma tête. Serge Gainsbourg m’a accompagné comme il a accompagné beaucoup d’entre nous. J’ai pensé d’abord à une influence. Non, c’était l’inverse : nous avions pressenti dans son aristocratique et immense détresse, la vanité raide de nos existences. Joann Sfar a raison d’invoquer les tragédies antiques. Avec un destin comme tant d’autres, que seule l’œuvre magnifie, Serge Gainsbourg est universel. Ecce homo. J’y reviendrais


 * En latin projet se dit cogitatio. On pourrait traduire le fameux « Ego cogito, ergo sum » de Descartes par « Je fais des projets, donc j’existe »  /  ** Du grec telos, « finalité »

11/12/2009

La Psychologie de l'Action sort de l'ombre. Enfin...

Avant-hier soir, « L’abus de faiblesse » de Catherine Breillat a été au centre de l'émission de Guillaume Durand "L’objet du Scandale". Bon sujet, mais pourquoi aller chercher un "neuroscientifique" orienté « sexe et cerveau » pour expliquer ce dont a été victime (et auteur) Catherine Breillat ?

La culture en psychologie des journalistes serait-elle déficiente? Dans tous les cas, comme Mme Michu, ils cherchent la cause, le stimulus, le levier, la "perméabilité" (dixit Guillaume Durand). Ils cherchent le mécanisme. Comme tout bon psychologue béhavioriste, ils font appel à une vieille lune (Pavlov, Skinner, Watson) repeinte par la "neuropsychologie". C'est tellement facile de croire que les autres sont agis par des forces qui les entraînent inconsciemment ! Les autres...

Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui
• Notre expert télévisuel (et télégénique) cita force psychologues américains pour nous faire découvrir que les star « avaient une personnalité double » -une « publique » et une « intime »- et qu’il « pouvait y avoir « un écart entre les deux » et que « dans certain cas, ils ont besoin de rehausser leur personnalité intime et leur esprit critique en est altéré ».
Pour moi, ce fut un choc : une partie de la thèse –mille fois vérifiée- que je défends depuis 30 ans était évoquée –bien timidement- à la télévision.
• La vérité est évidemment plus complexe que cette allusion télévisuelle. La véritable source de nos actions n'est pas derrière nous (besoins, pulsions), mais devant : ce sont nos projets, nos ambitions. Le comportement humain obéit à des "causes finales" ; il est caractérisé par une hypertélie, un treillis de sous-projets et de projets qui convergent tous vers 4 intentions fondamentales : le Héros intime (l'image idéale de soi), la Star intime (l'image de soi que l'on croit devoir donner aux autres), le Démiurge intime (le pouvoir, se donner les moyens de réaliser ses projets), la recherche des Emotions.
Bien sûr, il peut y avoir des conflits, des incompatiblités entre ses 4 projets fondamentaux. Et pas seulement chez les stars…

De Pascal à Sartre
• Cette théorie psychologique (l'Analyse motifonctionnelle) s'est inspirée de la phénoménologie (Husserl, Merleau-Ponty, Sartre et Simone de Beauvoir), de certaines expériences étatsuniennes mais aussi de dizaines d'écrivains et de philosophes depuis 20 siècles (Epicure, Pascal, Montaigne, Freud, etc.).
Cette thèse qui existe depuis 30 ans. Depuis, elle a largement fait ses preuves. Et toute personne, avec un peu d'attention, au simple énoncé du principe de finalité et des 4 grandes intentions fondamentales, peut comprendre un peu mieux ce qui est arrivé à Catherine Breillat...

Le secret de la dépression
• Hier matin, nouvelle surprise : on me rapporte que dans une émission sur la dépression (France-inter), un médecin spécialiste affirme qu’on ne peut soigner une dépression par l’activité puisqu’elle est… la cause même de l’inactivité ! Et comme l’action n’existe que par sa finalité, on découvre enfin que la dépression est bien, comme je l’enseigne depuis 1984, une « maladie de la génération des projets » !